16/10/2015

Main(s) basse(s)

J'ai un faible pour les mains.

À hauteur de mes yeux de petite fille, je suivais le déplacement incessant des mains des grandes personnes.
Rien n'a changé, j'observe de plus haut.
Je regarde les ongles noircis bricoleurs, les rongés qui vont avec des gestes nerveux, les blessés "sparadrapés" qui me disent toujours des choses sur les gens que je rencontre. 
En tournage, je photographie les mains des acteurs pour assurer la continuité des bagues qui habillent les doigts, mais j'aime aussi les prendre sur le vif, sans raison officielle. 
Toujours en douce, et de préférence en gros plan.  
J'ai plus de chance que la photographe de la nouvelle d'Anna Gavalda "Ambre". Le musicien qu'elle suit en tournée réalise qu'elle n'a pris que des photos de ses mains et la questionne.
Ambre: - j'ai pris tes mains parce que c'est la seule chose qui ne soit pas déglinguée chez toi.
Lui: - Tu crois? Et mon coeur?
Ambre: - Il n'est pas déglingué ton coeur?
Lui: - Faut voir...
Ambre: - C'est ce qu'on va faire.
Coeur déglingué ou pas, si les doigts entrelacés des comédiens prouvent qu'ils attendent sans inquiétude particulière le moment de jouer, je guette discrètement ceux parfois noués qui racontent tellement plus. La concentration, les pensées diverses, voire les petits agacements avec lesquels il faut faire. 
Je suis en quête de mains abandonnées ou agitées.  
Parce qu'elles sont toujours les très brefs éclats d'une émotion secrète.


Yolande Moreau sur "Séraphine"

Emmanuelle Devos sur "Le temps de l'aventure" de Jérôme Bonnell

Jérôme Bonnell sur son film "Le temps de l'aventure"
Gabriel Byrne sur "Le temps de l'aventure"de Jérôme Bonnell

Yolande Moreau sur "Séraphine"


Art Scars, Photo Lori Vrba
Richard Renaldi Dirty hands 2003