08/11/2014

Mise à sac

Le petit chaperon rouge aurait fait un scénario très Hitchcockien.
Cette histoire ne raconte t-elle pas le plus beau suspense qui soit?

Afin de le prolonger, je prends la liberté d'ajouter une réplique à cette situation extrêmement forte.
"Ma mère-grand, que vous avez un grand sac?"

Montage sur l'illustration de Gustave Doré "Le petit chaperon rouge"
Moi, dans tous mes sacs, il y a un peu de ma mémoire. J'ai pour chacun, un sentiment particulier, en fonction de ce que j'ai vécu avec eux. Ils ont compté pour moi au travail ou en voyage.
Quand je ne m'en sers pas, ils sont en suspens...

Le mot "sac" revient régulièrement dans les titres de film:
"Cul-de-sac" de Roman Polanski,
"Un sac de billes" de Jacques Doillon,
"Mise à sac" de Alain Cavalier.
Lorsqu'un titre est traduit pour le public français, on le retrouve aussi .
"8 Heads in a Duffel Bag"de Tom Schulman donne "Huit têtes dans un sac".
Très souvent, le titre n'est pas traduit littéralement,
"Oscar" de John Landis donne "L'embrouille est dans le sac",
"More dogs than bones" de Michael Browning devient "Sacs d'embrouilles".

Avec "sac", tout le monde comprend de quoi il retourne.
Sans doute parce que la vie et les films se ressemblent.
Les films comme la vie sont pleins de choses compliquées, d'histoires à résoudre, de pagaille, de rebondissements.
La vie comme les films peut-être un véritable sac de noeuds.
J'entends les:" Alors? Raconte nous? Comment ça s'est passé?"
Je réponds sans hésiter: "Je parle sur ce blog de souvenirs formidables. Pour les pauvres petites histoires tristes, ne comptez pas sur moi pour vider mon sac!"

Mes photos de sacs n'ont pas beaucoup d'intérêt.
Dans Ceci n'est pas une valise, ou Un dîner très imparfait, j'avais choisi l'accumulation pour palier à la faiblesse de mes photos, mais ici je veux être sélective.
Il y a ce Polaroïd de "La double vie de Véronique" qui illustre bien l'idée du sac vidé de son contenu.
"La double vie de Véronique" de K.Kieslowski. Sac de Véronique vidé sur le lit.

Et cette photo prise sur "Les beaux gosses":
Une brume colorée s'évapore de trois sacs à dos qui semblent bouillir. L'inscription insolite "nébuleuse du coeur" tracée sur le mur, contraste avec ces sacs plantés dans le sol. On remarque juste le camaïeu de bleus, sur fond de mur dans le même ton.

"Les beaux gosses" de Riad Sattouf. Couloir du collège, sacs devant une salle de cours.

Mais à part ça...
Je préfère faire un choix dans le travail de photographes que j'aime.
Sur les photos, ces sacs vivent, et racontent des histoires.
Je rêve de les ouvrir, mais comme c'est impossible, j'imagine ce qu'il y a dedans, je crée un suspense toujours recommencé et jamais achevé.
C'est pour ça que j'y trouve mon compte.
Peut-être que chacun trouvera dans ces photos le sac qui lui convient, et pourra y mettre pèle-mêle...
les nébuleuses obscures et particulières de son coeur,
les poussières d'étoiles de son âme,
tous les souvenirs d'une vie.

"Ma mère-grand, que vous avez un grand sac?"
"C'est pour mieux raconter des histoires, mon enfant!".


Léonard Freed, New York Protest 1963

Vivian Maier New York, auto-portrait non daté
Jamais dans les photos d'un grand photographe vous ne regardez autre chose que ce qu'il a voulu que vous regardiez.
Vivian Maier est une très grande photographe.
Avec cette photo aux multiples miroirs que j'ai trouvé classée dans une liste d'auto-portraits, mon regard est longtemps allé sur le miroir du haut avec l'appareil photo et le sac en reflet.
Pour moi, c'était un auto-portrait un peu étrange, puisque je ne voyais pas son visage.
Ce n'est que très récemment que je me suis aperçue qu'il était en reflet dans le miroir central.
Et là, paf! C'était bien un auto-portrait, coupé en deux et inversé. A t-elle voulu nous égarer?

Vivian Maier New York, non datée

René Burri, Pékin 1989

Vivian Maier, 1960

Vivian Maier. Northshore Chicago (Man with suitcase on train) non datée.

Helen Levitt New York 1982

Richard Renaldi. Christine (!!). Fresco California 2003
Jeannette Montgomery Barron. Leopard Purse 2007