14/09/2013

Votre mission, si toutefois vous l'acceptez...

О "Пленник земли" с Александром Потаповым и Сэм Уотерстон


Ce message est le premier d'une série consacrée au tournage du film "A captive in the land" de John Berry (*), tourné en 1990 en URSS, entre Moscou et le Grand Nord.
Chaque message sur ce film comportera un lien avec le précédent. Il sera donc facile de reconstituer la chaîne des messages sur le sujet.
Cet article est le premier de la chaîne, même si j'ai montré des Polaroïds du film dans Haut les mains, ceci est une attaque! et Pourquoi m'as-tu occis?, et si j'ai évoqué le contexte de ce tournage étonnant dans Le temps d'un soupir
Par où commencer?
Barbara Bain
Franchement je ne sais pas, mais il faut bien se jeter à l'eau.
Le jour où j'ai su que j'allais partir en Russie, j'ai pensé que, décidément, j'étais la scripte des tournages dépaysants, lointains et accessoirement communistes. Je précise que je venais de passer six mois en Chine populaire pour "Le palanquin des larmes". 
Il s'est avéré que ce tournage en Russie devait durer aussi longtemps, pour des raisons que j'évoquerai dans un autre message, mais je l'ignorais encore.
Il y avait tout d'abord un scénario avec cette histoire très forte qui magnifiait les qualités humaines. C'était tout à la fois un beau récit, une aventure étonnante, un suspense prenant. Je savais aussi que John Berry était un grand directeur d'acteurs pour avoir déjà travaillé avec lui. 
S'il me restait quelques notions acquises en terminale sur la géographie et l'agriculture soviétiques, je savais assez peu de choses de ce pays. J'étais subjuguée, et cela peut paraître curieux, par l'idée de marcher sur la banquise, et connaître les paysages du grand Nord. Grande frileuse devant l'Éternel, j'avais beau tenir de Coluche, que "plus blanc que blanc existe grâce au nouvel Omo", l'idée du plus froid que froid avait de quoi me laisser dans une perplexité glacée.
Pourtant, entre mes inquiétudes et ma curiosité, mon coeur n'a pas balancé, et j'ai vite succombé au désir de découvrir la vie ailleurs une nouvelle fois. J'ai une nature enthousiaste, et l'idée d'être l'agent secret féminin qui accepte sa mission sans broncher, la Carter de "Mission impossible", n'était pas pour me déplaire. Mon côté rebelle sans doute.

  

J'ai donc accepté la proposition, sans toutefois voir la bande magnétique s'autodétruire. C'est toujours James Phelps qui a cette chance. C'est très injuste!

Peter Graves (James Phelps) dans "Mission impossible.
On ne m'a jamais proposée un film sous les cocotiers. Si je ne suis pas la scripte des tournages au soleil, mais celle des doudounes, fourrures polaires, et beurre de cacao, je souhaite encore faire un pied de nez à l'éloignement et vivre professionnellement dans un pays tel que celui-ci. J'ai toujours le même enthousiasme lorsqu'un projet de film se profile, qu'il se tourne au coin de ma rue ou au bout du monde. Lorsque j'ouvre un scénario pour la première fois, le sentiment que j'éprouve est indescriptible.
Je soupçonnais le caractère extraordinaire de la Russie, elle se révéla effectivement extraordinaire, rugueuse par bien des côtés et pourtant tellement attachante...
Plus sérieusement, quelques mois auparavant, j'avais travaillé sur un épisode de la série "Les cadavres exquis de Patricia Highsmith" qui s'intitule "Something you have to live with" mis en scène par John Berry. J'ai probablement gagné mes galons à ce moment là, puisque John m'a sollicitée pour cette aventure lointaine. J'ose dire qu'il a eu le nez creux en ce qui concerne les membres de son équipe. Tous ce sont révélés formidables. Quand à moi sans doute que l'enthousiasme de ma jeunesse l'a convaincu de mon futur dévouement à la cause de son film.
Le film est tourné entre novembre 89 et le printemps 1990. Il est présenté pour la première fois à Cannes dans la sélection Un certain regard en 91. Au moment de la sortie du film aux États-Unis en 1993, il n'y a pas eu de co-production américano-soviétique depuis treize ans. Ce projet ambitieux est le fruit d'une collaboration entre une compagnie indépendante Gloria Productions, les Studios Gorky et l'American-Soviet Cinema. Une co-production avec un budget qui atteint tout de même six millons de dollars.
A l'origine, il y a le roman de James Aldridge "A captive in the land". Le scénariste américain Lee Gold en a tiré un scénario qui porte le même nom et, avec l'aide de John Berry qui avait déjà mis en scène trois de ses scénarios (Je suis un sentimental 1955, Honeyboy 1958, Tamango 1982), il tente de porter le projet à l'écran. Ce n'est qu'en 1989, cinq ans après la mort de Lee Gold, que son frère l'industriel Peter S.Gold décide de financer le film avec sa compagnie Gloria films, en co-production avec les soviétiques.

Le récit est celui d'un huis-clos sur la banquise, où un Américain et un Soviétique comprennent qu'ils sont perdus s'ils n'unissent pas leurs efforts pour faire face aux rigueurs de l'arctique. 
Ce que j'ai d'abord envie de dire, avant d'entrer dans les détails, c'est que ce film est à l'image de l'acharnement dont Lee Gold et John Berry ont fait preuve pour que ce projet voit le jour. C'est bien la volonté de deux hommes de réaliser ce film, qui trouve sa parfaite illustration dans cette fiction qui raconte la volonté de deux hommes de survivre sur une banquise. 
John Berry va s'attacher tout au long de sa mise en scène, à mettre en valeur la capacité de l'homme à se surpasser en usant de toutes ses qualités fantastiques.

Je commence à dégourdir ma mémoire avec deux montages Polaroïd, et des photos de la carcasse de l'avion soviétique gisant sur la glace. 
- Les polaroïds "assemblés" ont été pris en studio à Moscou. 
- J'ai pris les photos de l'avion sur la banquise depuis l'hélicoptère qui nous menait sur le décor près du Pôle Nord, aux environs d'Arkhangelsk.
Il n'existe à ma connaissance, aucun moyen de visionner le film à part sur un support VHS, ou un laserdisc, ancêtre du DVD.
Si vous cherchez sur internet, vous tomberez sur l'affiche et rarement sur une photo.
Voici la bande annonce:

 

Studio Gorki, plateau 7 entre novembre et décembre 89
Горки Studios в Москве

Studio Gorki, plateau 7 entre novembre et décembre 89
Горки Studios в Москве

Printemps 90, près du Pôle Nord

Printemps 90, près du Pôle Nord

Printemps 90, près du Pôle Nord

Printemps 90, près du Pôle Nord. L'avion est sur la gauche.
(*) Le 9 février 50 Le sénateur du Wisconsin Joseph McCarthy annonce dans un discours qu’il possède une liste de plus de deux cents personnes du Département d’Etat censées être proches du Parti communiste. Au cœur de la guerre froide, le discours du sénateur rencontre un écho national et avive les peurs des Américains. En quelques mois, McCarthy va instaurer une véritable paranoïa qui sera également une arme puissante pour déstabiliser les démocrates au pouvoir. Après l’élection d’Eisenhower en 1952, McCarthy présidera le sous-comité sénatorial permanent d’enquête avant que ses méthodes inquisitoriales ne soient dénoncées par les médias puis par le Sénat.
John Berry est une victime du Macarthysme, il est inscrit sur la liste noire du cinéma. Il quitte les états-unis en 1950.