Je ne connais ni "L'ex" première dame, ni "l'autre" le chef de l'état. Je sais juste qu'une rupture survient comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Les gestes brusques, les brimades quotidiennes, les vexations lentement perfusées sont les marqueurs précoces de cette maladie qui ronge silencieusement. En plein week-ends, vous tombez à la renverse, et le cul par terre, vous comprenez que l'autre vous a estampillée ex depuis peu.
Le décor est planté sur fond de dissensions entre les enfants de chacun. Point de descendance commune à cause de l'âge, mais chacun la sienne, défendant son camp âprement. L'autre est souvent indifférent, voire cassant. Il néglige de plus en plus sa relation avec l'ex en puissance, n'hésite pas à franchir chaque jour la frontière entre le délicat et le lourd, le subtil et le maladroit, le charmant et le blessant.
Un soir de fête, un baiser est donné, juste pour être vu, mais l'assemblée n'est pas dupe de cette comédie. Qui peut oublier les mots durs prononcés au moment de l'exercice du pouvoir? Certainement pas l'ex qui tweete des phrases de soutien. L'autre lui signifie illico de la mettre en veilleuse, sèchement. Et après, l'ex suffoque sous le poids d'un silence têtu, et connaît un oeil noir qui lui glace le sang pendant des semaines.
L'ex a t-elle mérité ça, n'est-ce pas disproportionné en regard d'avant?
Au temps chaud, alors que certains glissaient comme des anguilles entre les doigts de l'autre, et retiraient son nom de la liste des amis Facebookiens, l'ex était dans les petits papiers. Mais ça, c'était avant.
Avant la bise.
Il faut croire que la soif du pouvoir efface les beaux souvenirs, et remet les compteurs à zéro malgré le chemin parcouru.
L'autre s'avère être un animal à sang froid, sans empathie pour les vivants, juste peut-être pour les morts. L'ex parvient pourtant à extirper de la gueule de ce serpent qui cherche à fuir, les mots d'une rupture unilatérale.
L'autre aurait pu être mieux inspiré. L'ex méritait autre chose qu'un communiqué brutal qui l'a attristée. Un message de séparation fait vaciller, surtout lorsqu'il est convenu, froid et vite géré dans les affaires courantes.
La rupture que l'ex vient de vivre est classique, mais elle se demande pourquoi l'autre a si médiocrement et si longtemps maintenu le consensus de leur pauvre relation. Tout comme l'autre, l'ex a des ennemis, mais elle se garde toujours de les dénigrer devant des collaborateurs. Aujourd'hui, l'ex entend comme si elle y était les critiques désobligeantes que l'autre balance à son sujet, mais elle peut se regarder dans la glace et sourire.
Lorsqu'elle a réalisé que l'autre ne lui avait donné tout ce temps, qu'un ordinaire sec et frustrant, sans la moindre trace d'une connivence paisible, l'ex a relevé la tête et elle a pensé qu'elle devait continuer à vivre.
À écrire aussi. Surtout, ne négliger aucun des petits riens qui font la vie, et raconter des histoires qui ne tiennent personne à distance. Sa vie sera enrichie de cette expérience violente. L'ex n'a pas oublié qu'un jour elle est passée pour la première gaffeuse de France, et elle sait que certains rats mordent jusqu'au sang avant de quitter le navire.
Répudiée comme une moins que rien, l'ex est restée digne. Plus besoin de lui faire un dessin, elle a compris. Sa vie est avec ceux qui ont besoin d'elle, et pour qui elle compte professionnellement.
Son reflet dans le miroir a beau lui sourire, il ne lui révèle pas tout d'elle. Aussi, comme l'ex souhaite remplir joliment l'espace de ses sentiments, elle va au cinéma. Elle est admiratrice de François Truffaut et de Claude Sautet qui sont si bien parvenus à toucher à la vérité des émotions, là où l'autre a ramé, rame et ramera encore pour échouer sur une plage déserte.
L'ex aime le cinéaste Jérôme Bonnell et son merveilleux film "Le temps de l'aventure". Ils sont si rares les films lumineux qui vont droit au coeur et permettent de se voir vraiment.
L'ex sourit à l'idée qu'elle brillera peut-être par son absence au côté de l'autre.
Après tout, elle ne sera sans doute pas sa dernière ex.
Aura t-elle vent des déboires de l'autre pour décrocher un nouveau projet? Sans compter que l'entourage excédé d'être maltraité, laissera fatalement tomber l'autre tôt ou tard. Sans état d'âme.
Alors soudain...
Quitté(e) affectivement, muet(te) de stupéfaction, l'autre comprendra l'ampleur de son malheur.
Et dans sa chair, devant la fin d'un amour fort et poignant, vivra à son tour une rupture contre son gré.
Cet instant de vertige abominable,
où comme tombé d'un gratte-ciel,
l'autre, à son tour, devient l'ex,
et endure.
Eastend London. Street art. Steve Powers |
L'ex a les cheveux naturellement raides, mais elle aime se faire des boucles. Photo recadrée de Julien de Rosa |